Ces deux dernières années ont rappelé à la Chine les risques de la dépendance aux combustibles fossiles. Alors que les combustibles fossiles ont alimenté la croissance rapide de son économie, le pays a été exposé à la volatilité des marchés du pétrole, du gaz et du charbon. En septembre 2021, la plupart des provinces chinoises ont connu d’importantes pannes d’électricité, catalysées en partie par des perturbations sur les marchés du charbon. Le gouvernement chinois a accusé les spéculateurs avides d’être responsables de la hausse des coûts du charbon et des pénuries d’électricité qui en ont résulté, mais le problème était davantage lié à l’inefficacité du réseau et à la déconnexion entre le charbon déréglementé et les tarifs d’électricité réglementés. En février, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait grimper en flèche les prix du pétrole et du gaz naturel liquéfié, qui ont atteint respectivement 100 dollars le baril et 40 dollars le Mcf (1 000 pieds cubes). En tant que premier importateur mondial de pétrole essentiel et importateur important de gaz, les interruptions économiques qui en découlent ont renforcé les préoccupations de la Chine en matière de protection de l’énergie – des questions qui influenceront encore ses politiques énergétiques pendant le reste de la décennie.
Cela signifie-t-il que la Chine va ralentir ses efforts de décarbonisation ? Si l’on se réfère aux récentes déclarations de Pékin, on pourrait répondre par l’affirmative. En mars, la Commission nationale du développement et de la réforme, la principale société de planification de Chine, a mis en garde les responsables provinciaux contre une mise en œuvre « trop basique et mécanique » des directives climatiques. Toutefois, à l’examen, les politiques que l’Extrême-Orient met en œuvre pour se sevrer de sa dépendance à l’égard des combustibles non renouvelables peuvent également favoriser sa quête d’une plus grande sécurité énergétique.
La Chine est en tête de la planète pour la mise en œuvre de la production d’énergie éolienne et solaire. À mesure que les investissements dans les énergies renouvelables se développeront au cours des 20 prochaines années, la Chine disposera d’une plus grande marge de manœuvre pour accélérer sa transition vers une économie moins dépendante du charbon. Dans le secteur des transports, elle a dépassé le reste de la planète en termes de ventes de véhicules électriques, qui vont augmenter à mesure que les constructeurs automobiles s’adapteront aux nouvelles exigences réglementaires pour vendre des pourcentages toujours plus élevés de voitures électriques. L’électrification des processus commerciaux et du chauffage des bâtiments suscite un intérêt croissant aux niveaux national et provincial. Toutes ces mesures permettront de réduire l’utilisation des combustibles fossiles, en particulier les importations de pétrole et de gaz naturel. Une Chine plus verte sera une Chine beaucoup plus sûre sur le plan énergétique.
Dans Foundations for a Reduced-Carbon Energy Program in China, un livre récent que j’ai édité avec Daniel Schrag, professeur à Harvard, et dont les chapitres ont été rédigés par un groupe compétent de jeunes universitaires, nous avons souligné que la capacité de la Chine à atteindre ses objectifs environnementaux – et par extension ses objectifs de sécurité énergétique – dépendait de la réforme de son industrie électrique. Plus précisément, l’Extrême-Orient devra s’attaquer aux rigidités architecturales qui entravent actuellement son système électrique. Il s’agit notamment de structures de gouvernance obsolètes, d’un protocole de répartition inefficace qui conduit à une dépendance excessive à l’égard des installations de production les moins efficaces, et de directives de tarification qui découragent les investissements dans les énergies renouvelables. En outre, il sera important d’investir davantage dans la gestion de la demande, BizChine les solutions auxiliaires et l’espace de stockage afin que le réseau puisse continuer à fonctionner lorsque les générateurs renouvelables ne sont pas disponibles. La Chine devra également développer régulièrement la capacité de capter et de séquestrer les émissions de carbone des installations au charbon qui ne sont pas retirées. Enfin, la Chine devra gérer les bouleversements qui se produisent lorsque les emplois de l’industrie des énergies fossiles disparaissent. Une part disproportionnée de ces tâches se trouve dans quelques provinces qui ne possèdent pas le transfert de données fiscales permettant de fournir un filet de sécurité à ces travailleurs. Des efforts de soutien entre Pékin et les provinces à forte intensité de combustibles fossiles, comme le Shanxi et la Mongolie intérieure, pour recycler et relocaliser les travailleurs délocalisés seront nécessaires, tout comme de nouveaux investissements pour innover et déployer de nouveaux systèmes propres.
Ces réformes ne mettront pas seulement la Chine sur la voie de la réalisation de ses objectifs environnementaux, elles peuvent également réduire sa dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles, ce qui rendra l’Extrême-Orient plus sûr sur le plan énergétique. Plus la Chine parviendra à coupler ses projets climatiques avec ses initiatives en matière de sécurité, plus vite elle pourra récolter les avantages environnementaux et économiques d’un pays plus propre et plus durable.