C’est un fonctionnaire territorial du département de l’Indre, dans le centre de la France, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment. Jean-François Barnaba, 62 ans, est depuis quelques jours sous le feu des projecteurs. Présenté comme un gilet jaune, il est invité un peu partout dans les médias, où ses qualités d’orateur sont appréciées. Mais, un détail, révélé par l’Obs et l’émission Quotidien de TMC, fait grincer des dents : l’homme est payé 2.600 euros net par mois… à ne rien faire. Et cela fait dix ans que ça dure.
Comment est-ce possible ? Jean-François Barnaba n’est pas seul dans ce cas. Qui sont donc ces fonctionnaires payés alors qu’ils ne travaillent pas ? La réponse est surprenante : ce sont des agents de la fonction publique territoriale avec un statut officiel. On les appelle “fonctionnaires momentanément privés d’emploi”. En 2016, d’après des chiffres révélés par l’émission L’oeil du 20 heures, on en comptait 440 dans toute la France, sur les près de deux millions de fonctionnaires territoriaux français, d’après les derniers chiffres de la Direction générale des collectivités locales.
⋙ Mais pourquoi Jean-François Barnaba est-il encore payé ?
“Ce sont des agents qui ont perdu leur emploi et à qui la collectivité n’a pas réussi à proposer quelque chose d’autre”, résume Luc Farré, secrétaire national de l’UNSA, chargé de l’action publique et des services publics. En effet, d’après une loi datant de janvier 1984, pendant un an, la collectivité locale doit d’abord “rechercher les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné”. Sont également examinées les “possibilités d’activité dans une autre collectivité ou un autre établissement que celle ou celui d’origine sur un emploi correspondant à son grade ou un emploi équivalent”. Pendant ce délai, elle a l’obligation de continuer à verser son salaire.
Si le fonctionnaire touche 100% de son salaire d’origine les deux premières années, une dégressivité s’applique à partir de la troisième année
Si ces différentes recherches ont fait chou blanc après une année d’inactivité, c’est le centre de gestion “dans le ressort duquel se trouve la collectivité” ou le Centre national de la fonction publique territoriale, qui devient autorité de tutelle du fonctionnaire et lui verse sa rémunération mensuelle. Cependant, le fonctionnaire a dans le même temps l’obligation de rechercher un emploi : d’ailleurs, comme un demandeur d’emploi du secteur privé, son indemnisation est stoppée après trois refus d’offres proposées dans son département, voire dans un département limitrophe pour certaines catégories de fonctionnaires territoriaux. Encore faut-il qu’on lui propose quelque chose.
L’interview de Jean-François Barnaba
Et ce n’est pas tout. Si le fonctionnaire touche 100% de son salaire d’origine les deux premières années, une dégressivité s’applique à partir de la troisième année. La rémunération est “réduite de cinq pour cent chaque année jusqu’à atteindre cinquante pour cent de la rémunération initiale la douzième année et les années suivantes”, précise la loi. Dans le cas de Jean-François Barnaba, cette dégressivité ne s’est pas totalement appliquée puisqu’il s’est retrouvé sans emploi dès 2008, alors que la dégressivité ne s’est appliquée via une évolution législative que depuis 2016. Résultat : selon la Nouvelle République, l’influent gilet jaune touchait environ 3.100 euros net par mois avant 2008, contre 2.600 euros après.
Combien cela coûte-t-il aux collectivités territoriales, donc au contribuable ? Difficile de le mesurer. Contactée par nos soins, la Fédération Nationale des Centres de Gestion de la Fonction Publique Territoriale (FNCDG) ne dispose pas d’étude précise sur le sujet. En 2016, l’émission L’oeil du 20 heures estimait que les 440 fonctionnaires momentanément privés d’emploi coûtaient plusieurs millions d’euros par an à l’Etat.